Tchad : Que dire de la mise en œuvre des résolutions du dialogue ?

Sept (7) mois de suite, le gouvernement n’a pas encore trouvé la voie de mise en œuvre des résolutions et recommandations du DNIS. De différentes commissions sont mises en place pour le suivi de la mise en œuvre, dont le décret N°0085/PT/PMT/2023 du 25 janvier 2023, portant nomination des membres de la Commission nationale chargée de l’organisation du référendum constitutionnel (CONOREC). Une commission très contestée. Tout ce qui en découle l’est tout aussi.

En réalité, le dossier sur lequel le gouvernement et le président de la transition sont attendus, c’est bel et bien le retour à l’ordre constitutionnel à travers l’organisation de premières élections générales. Mais pas à n’importe quel prix. Pour ce chantier, le Dialogue national inclusif et souverain, bien que lui aussi objet de controverse, a débouché sur de nombreuses résolutions et recommandations.

Force est de constater que, non seulement le gouvernement est emporté par la gestion des affaires publiques courantes mais, bien plus l’Etat est au cœur d’un blocage politique qui donne aucune chance de réussite de mise en œuvre de ces résolutions et recommandations dans le délai prévu dans la seconde charte de la transition.

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Au lendemain de la publication du décret portant création et nomination de la CONOREC, la classe politique tchadienne est montée au créneau pour dénoncer ce que beaucoup considèrent comme une intention affirmée de faire la main basse sur les deux référendums prévus. Notamment, le référendum sur la nouvelle Constitution de la République du Tchad. Composée des vingt-et-un membres uniquement des membres du gouvernement de transition et du Conseil national de transition, cette commission a fait voler en éclats la chance de succès de consensus. Ces démembrements sont encore sujet de forte controverse.Sur cette liste, en effet, au moins 15 membres sont des personnes encartées et/ou affiliées au Mouvement patriotique du salut (MPS), parti de feu Maréchal Idriss Deby Itno.

Le gouvernement jette de l’huile sur le feu

Le 15 février 2023, le Premier ministre de transition, Saleh Kebzabo a rencontré, à N’Djaména, les présidents et secrétaires généraux des partis politiques au Palais du 15 Janvier. Selon la Direction de communication de la Primature « Cette rencontre fait suite à celle qui a eu lieu entre le Président de transition, le général Mahamat Idriss Deby Itno et les responsables politiques au Palais Toumaï, le 27 janvier 2023 ».

Elle visait à mettre sur pied un nouveau cadre de dialogue politique. Une rencontre boycottée par une vingtaine de partis politiques. Si une commission composée de onze (11) personnes avait été mise sur pied, elle avait déposé son rapport auprès du Ministre de l’Administration du Territoire et de la Bonne gouvernance. A la réalité, la composition du bureau de cet organe politique né de cette rencontre, à savoir le Cadre nationale de concertation des partis politiques (CNCP) est un autre péché politique, qui ne devrait être commis, si les autorités de la transition étaient de bonne foi.

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Cependant, au sujet de la contestation qui fuse après le décret fixant création et composition de la CONOREC, Saleh Kebzabo a plutôt jeté de l’huile sur le feu. Le PM a déclaré que « c’est un passage obligé ce référendum. Qu’il soit organisé par le gouvernement a surpris certaines personnes mais c’est tout à fait normal que le gouvernement gère cette élection parce que ce n’est pas une élection avec des enjeux particuliers. Il s’agit d’organiser un référendum pour la Constitution de notre pays. Nous allons faire ce travail en toute objectivité ». Une déclaration battue en brèche par l’ancien Premier ministre.

Laisser la CENI organiser le référendum !

Pahimi Padacké Albert qui s’étonne face aux propos de son successeur. « Le Gouvernement veut nous faire croire maintenant qu’il se réserve, à lui seul, sans témoin, l’Organisation du référendum sur la forme de l’Etat, parce que ce référendum serait « sans enjeux particuliers « . Alors, pourquoi organiser un référendum sur un sujet sans enjeux pour le peuple ? Le Gouvernement d’union nationale a-t-il pour mission de s’occuper des sujets sans enjeux? Le DNIS s’est-il trompé ou a-t-on trompé le peuple en renvoyant le choix de la forme de l’État au référendum? En toute humilité, la forme de L’Etat est un enjeu national et reconnu comme tel par le DNIS. Le gouvernement doit laisser la CENI s’occuper de ce référendum », s’étonne Pahimi Padacké Albert.

Une guéguerre qui née de sitôt entre les deux grands chefs de partis politiques ayant de poids incontestable sur l’ensemble du territoire n’est pas un bon signe pour la suite de la transition.

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Il convient de souligner que pour la plupart des cas, les différentes commissions sont dirigées et/ou composées des membres du gouvernement et ceux du CNT. La commission spéciale chargée du suivi de la mise en œuvre des résolutions et recommandations du DNIS, par exemple, est pilotée par le Ministre d’Etat, Secrétaire général de la Présidence de la République.

La commission chargée de la rédaction du projet de la nouvelle Constitution a travaillé dans une discrétion opaque. Aujourd’hui, aucun acteur politique ne connait le contenu du projet de cette Constitution. Mais le gouvernement continue de clamer que le référendum aura lieu en novembre prochain, sans qu’aucun préalable n’ait été réalisé à cet effet. Et l’on est en droit de se demander pourquoi le projet de cette Constitution n’est pas à la portée des acteurs politiques.

Mettre en place un processus plus inclusif

C’est à raison que plusieurs partis politiques opposés au processus sont en ordre de bataille pour au moins tenter d’obtenir la rectification des décrets controversés. La coalition dénommée Fédération de l’opposition crédible (FOC), et dirigée par l’opposant Yaya Dillo Betchi, exige entre autres la reprise de tout processus de la transition de manière consensuelle ; la dissolution du Conseil national de transition ; le retour sans condition au Tchad du président du parti les Transformateurs, Succès MASRA ; la mise en place d’une commission d’enquête internationale sérieuse sur les événements du 20 octobre 2022 par la communauté internationale. Tandis que le GCAP, coordonné par Max Kemkoye, exige désormais la démission du gouvernement, revendique la formation d’un gouvernement de mission et une reprise du processus de la transition.

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Tout compte fait, les remous suscités à la suite du décret N°0085/PT/PMT/2023 du 25 janvier 2023 ainsi que tout ce qui en a suivi est déjà un mauvais départ pour la transition, impactée négativement par la crispation politique née de la répression armée des manifestations du 21 avril 2021 et du 20 octobre 2022, regrettée tardivement par le Président de transition, alors que le climat politique est tendu en raison de cette crise.

Le gouvernement de la transition aurait pu privilégier davantage les concertations politiques en vue de l’organisation du référendum qui est, tout de même, un gage de réussite de prochaines élections générales. Mais en conservant l’entièreté de contrôle de l’organisation des échéances référendaires, le gouvernement réunit les conditions d’une crise postélectorale. Malheureusement, l’on observe qu’au sommet de l’Etat, le chef de la transition est absolument insouciant. Au contraire, il voit le mal partout et professe un langage de violence. Ce qui est inquiétant pour l’avenir de cette transition.