Grand projet de culture du blé au Sénégal. Ou encore création de cinq agropoles par le Gabon. Le Mali n’est pas en reste, avec bien d’initiatives courageuses à la clef. Partout en Afrique, les politiques agricoles semblent occuper une bonne place dans la visibilité des actions des gouvernements. Mises à part les diverses motivations en filigrane, mettre un point d’honneur sur le développement agricole en Afrique, de nos jours, est une nécessité. Tandis que le cas de quelques pays, comme le Maroc, fait déjà école.
Il en faut encore plus pour un continent comme l’Afrique, épicentre de la malnutrition. Les États africains doivent non seulement inverser la tendance mais aussi produire davantage afin de répondre à une croissance démographique rapide (2 milliards de populations à l’horizon 2050 contre 1 milliard aujourd’hui).
Pour de nombreux économistes et démographes conscients, l’enjeu de la sécurité alimentaire et nutritionnelle ne laisse place à aucune tergiversation. Au Tchad, par exemple, la population dépassera les 40 millions dans les 20 prochaines années.
A défaut d’une production agricole suffisante, cette carence aurait pu être résolue par l’importation des denrées alimentaires. Mais celle-ci est loin de combler les attentes, avec toutes conséquences liées à la faiblesse de l’économie nationale. En plus de dépendre d’une chaîne alimentaire internationale, dominée par des multinationales sans scrupules, l’importation peut être perturbée par des forces majeures ou des obstacles géostratégiques. L’avènement du covid-19 et du conflit russo-ukrainien ont montré cette difficulté majeure, non pas sans mal.
Une autre raison, et pas des moindres, reste le caractère stratégique de l’agriculture. Le secteur agricole est un avantage comparatif de l’Afrique par rapport au reste du monde et capable de répondre à plusieurs besoins. C’est le cas de la sécurité alimentaire, l’absorption du chômage en milieu jeune, la fourniture des matières premières pour l’industrie, l’augmentation des revenus des populations rurales, etc. D’ailleurs, la réalisation de plusieurs objectifs du développement durable dépend de l’agriculture et dans une certaine mesure l’élevage.
Révolution agricole du Tchad ?
C’est donc à la croisée de ces raisons et d’une certaine tendance à l’agriculture dans d’autres pays africains que le gouvernement tchadien a sonné la cloche de la « révolution agricole ». Annonce faite par le Ministre de la Production et de la Transformation agricoles, Laoukein Kourayo Médard, lors du lancement de la campagne agricole 2023-2024 à Bongor. Mais à l’entente de cette annonce, plusieurs questions se convoquent.
Et évidemment, six (6) mois après le lancement de la campagne agricole, suivie par cette fameuse révolution, on en vient à cette réflexion qui donne lieu à ce dossier.
Cette « révolution agricole » s’inscrit-elle dans le cadre des anciennes politiques agricoles ou en rupture avec elles ? S’agit-il d’une transition agricole à l’intérieur de la transition politique actuelle ? Dans quelles mesures une telle politique peut favoriser l’autonomisation des femmes, l’emploi des jeunes, la résilience des personnes vulnérables du monde rural ou encore le développement du secteur économique ?
Plus particulièrement, le ministère de la Production et de la Transformation agricoles a-t-il la maîtrise de toutes les activités agricoles ? Les prévisions météorologiques ? Situation céréalière ? Maîtrise-t-il le suivi et évaluation ? Maîtrise-t-il les besoins de consommation et la capacité de production ? La direction de suivi et évaluation des activités agricoles veille-t-elle pleinement sur ses tâches ? que fait réellement la direction des Etudes agricoles dans ce marasme cyclique ? Les agents agricoles ont-ils les moyens nécessaires pour appuyer les producteurs agricoles ? Pourquoi ce ministère pourtant régalien peine-t-il depuis des décennies à amorcer l’indépendance alimentaire ? Quels rôles jouent les organismes sous tutelle du ministère tel que l’ITRAD dans cette situation ?
Autant de questions, que les acteurs concernés et la population se posent, sur le contenu de la déclaration du gouvernement, dans le silence.
De la cartographie du système agricole tchadien à ses perspectives de modernisation, en passant par la mise en lumière de ses défis actuellement apparus, votre blog vous propose un dossier intégral. Dans les prochains articles que constitue ce dossier, à lire, il est mis en lumière l’archéologie des politiques et programmes agricoles au Tchad, les partenaires et leurs rôles joués et l’inefficacité de la politique agricole actuelle et la perspective.