Aussi plus profond que les Tchadiens foncent la transition impopulaire, les crises sociales se succèdent ou se juxtaposent de manière totalement effroyable. Depuis plusieurs semaines, le carburant se fait de plus rare dans les stations de de pompage de la ville de N’Djaména. Dans les provinces, les prix vont fulgurants et les marqueteurs bienveillants sont acculés à importer la matière dans les pays voisins depuis plusieurs mois.
Le gouvernement de transition ayant été avisé plusieurs fois sur l’actuelle crise de carburant dont le pic est atteint ce 06 novembre, feigne d’ignorer le mal que cela cause aux consommateurs et le coup que pend l’économie tchadienne. Assurément, le manque d’engagement du gouvernement pour résoudre définitivement les maux qui minent le secteur pétrolier dénote à quel point il (le secteur pétrolier) est entretenu par des hommes plus puissants que l’Etat lui-même. Cela se justifie ! Le conseil national des pétroliers a, à travers maintes sorties et rencontres, signifié que la commercialisation des produits pétroliers souffre d’un otage des quelques individus qui ont confisqué anarchiquement le secteur et décident de distribuer la matière à qui ils le souhaitent. Ces tout-puissants marqueteurs imposteurs entretiennent sciemment la pénurie du carburant, la carbure et en profitent sous l’observation participante des plus hautes autorités du pays. Que le gouvernement justifie la raréfaction du produit par les travaux de maintenance comme en avril dernier– même si cela reste un prétexte- c’est tant mieux !
Mais si la raffinerie est pleine à verser de l’essence ou de gasoil et que les citoyens se font frire au soleil pour s’approvisionner, il y a de quoi dénoncer l’impuissance du gouvernement à gérer ce secteur. L’Autorité de Régulation du Secteur de l’Assainissement et des Transports (ARSAT) n’est qu’un simple figurant dans la gestion des produits pétroliers. « De ce côté, il n’y a pas de problème ». « Cette pénurie est artificielle et le fruit de la spéculation », informe une source de l’ARSAT au journal Tchad Info. Un aveu d’impuissance d’une autorité de régulation qui confirme allégrement qu’elle n’est pas à mesure de trouver une solution à cette crise à cause de la contrebande.
Une crise qui dépasse la simple personne des ministres « individus »
Le limogeage de Djerassem Le Bémadjel en octobre dernier s’expliquerait entre autres par un détournement de fonds alloué au secteur de l’énergie et le sale tour qu’il aurait joué au gouvernement dans la gestion de la pénurie du carburant courant avril dernier. Si, juste à peu près deux semaines de son départ, la pénurie survient, du moins le comble atteint, il va de soi que la dimension de la mauvaise gouvernance de ce secteur ne se résume pas à la personne d’un simple ministre.
L’on peut concéder volontiers que les faits reprochés à Djerassem soient vrais, mais il ne s’agit pas de la gestion des ressources financières que génèrent le pétrole mais de la matière elle-même. La preuve est tout simplement que le nouveau ministre se cogne le nez devant cette actuelle pénurie.
Le secteur pétrolier tchadien est depuis toujours prisé par les « seigneurs de ce pays » qui se sont positionnés sur toutes les lignes, devenus quelque peu « des extra terrestres », pour reprendre les termes du conseiller national, Mahamat Doki Warou, la semaine dernière. La demande du conseil national des pétroliers au Président de la République de s’investir personnellement pour résoudre cette pénurie et les autres non-dits qui entravent ce secteur est un indicateur qui renseigne que les dinosaures ne peuvent être vaincus que par lui.
Une mine en préparation
Entre la négligence de cette pénurie de carburant par le gouvernement et l’indélicatesse des marqueteurs, il faut craindre un éventuel risque de soulèvement populaire. Rien ne peut plus convaincre les populations. Toutes les baguettes qu’utilisent les autorités pour endormir les consommateurs sont épuisées. Si la population ne peut plus manger à sa faim à cause de la flambée des prix des denrées de première nécessité ; si les élèves ne peuvent plus aller à l’école à cause de la grève des enseignants et si les motocyclistes, les taximen, les entreprises, etc. ne peuvent plus exercer à cause du manque de carburant, pourquoi rester observateur habile ? D’où tire encore la légitimité de ces autorités qui manquent d’élégance et de projet pour leurs concitoyens, jusqu’à ce point.
Ces crises, souvent négligées, sont ravageuses. L’exemple le plus pendant est l’éviction de l’ancien président soudanais, Oumar El Béchir en 2018, occasionnée par l’augmentation du prix de pain qui était en réalité de trop. Rien ne pourra plus retenir la foudre des populations tchadiennes devant cette série de crises si jamais le gouvernement ne s’assume. Tout se dégringolera de manière subite et inattendue, à la minute où le peuple prendra conscience de cette situation exténuante, sans répit. La vanne de la misère étant ouverte.