Au cours de son 11ème congrès extraordinaire tenu à N’Djaména, ce 13 janvier 2024, le Mouvement patriotique du salut (MPS), qui a désigné Mahamat Zène Bada à nouveau secrétaire général en remplacement du Dr Haroun Kabadi, a désigné sur le coup, le président de la transition, Mahamat Idriss Deby Itno, à tel point que l’opinion publique est interloquée. Et l’on se demande bien : quelle est l’urgence pour qu’il soit investi candidat en ce moment ? Analyse.
C’est un congrès expéditif qui s’est tenu ce samedi 13 janvier. Sans débat conséquent, et comme si la maison allait prendre feu, les participants à ce rendez-vous, convoqué lui aussi à la va-vite, ont investi, dit-on, « à l’unanimité », Mahamat Idriss Deby Itno, candidat à la prochaine présidentielle, prévue avant la fin d’année 2024, conformément aux résolutions du Dialogue national inclusif et souverain(DNIS). Comme quoi, le MPS n’a pas de prétendants candidats à la présidentielle ; et est obligé de se rabattre sur un militaire qui n’est pas encore en état de mise à disposition, pour retourner à la vie civile, comme le prévoit la Constitution. Là, c’est un autre débat juridique…qui mérite d’être abordé à part entière.
Mais que nenni. A la surprise de l’opinion publique, c’est l’investiture du président de la transition qui est annoncée quelques heures après l’ouverture du congrès. Mahamat Idriss Deby Itno qui, jusqu’ici a rejeté toute question de la presse liée à son éventuelle candidature à la présidentielle, en estimant qu’il préférait consacrer son énergie à la conduite de la transition. L’incohérence vient du fait que cette transition n’est pas encore à son terme.
Il est vrai que l’annonce de cette candidature ne semble pas contrarier l’opinion dans l’immédiat. Toutefois, les questions qui viennent sur les lèvres de beaucoup d’observateurs sont de savoir s’il était opportun d’investir déjà Mahamat Deby candidat à la présidentielle alors que la transition court encore pour, au moins, neuf (9) mois et que la date de la tenue des élections n’est pas toujours annoncée, puisque des étapes restent à franchir.
C’est pourquoi cet acte précoce de candidature du président de la transition est une mauvaise démarche pour la réussite d’une transition concertée et apaisée. A moins que l’intéressé en question ne rejette cette offre du parti MPS. Mais toujours est-il que plusieurs heures après cette bourde opérée à son absence, Mahamat Deby n’a pas encore réagi. Ni en se félicitant de sa désignation ni en la rejetant.
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Reste donc à savoir s’il s’agit d’une méthode visant à tâter le terrain en testant les réactions de l’opinion ou un mauvais choix du time ou simplement une ‘’masturbation politique’’ du parti MPS habitué au zele amère, avec le retour du tonitruant Zène Bada. Déjà que des déclarations à l’emporte-pièce ont commencé par pleuvoir à n’en point finir.
Un parti sérieux se serait penché sur l’ANGE…
Plusieurs institutions constitutionnelles issues du DNIS attendent d’être mises en place, à l’image de l’Agence nationale de gestion d’élections (ANGE), prochain organe d’organisation des élections, le Conseil constitutionnel sur qui reposera la validation des échéances électorales. Cette annonce qui provoquera évidemment l’ire de l’opposition interne et des mouvements rebelles ; suscitera sans coup férir la déception de l’opinion publique qui verra désormais en Mahamat Déby un homme partisan alors qu’il est attendu pour mettre en place des institutions en charge de gestion électorale, qui devront être impartiale.
Comment faire confiance à un dirigeant de transition d’emblée candidat et croire dans les institutions qu’il créera ? Du coup, la chance de dialogue avec les acteurs politiques et de la société civile restés méfiants et réticents vis-à-vis des institutions de la transition est d’office torpillée.
De ce constat, il est fort à craindre que la résistance prenne le dessus. C’est pourquoi, quelles que soient les intentions de Mahamat Idriss Deby à vouloir se maintenir au pouvoir, il était plus intelligible de maintenir le suspens jusqu’à la veille des élections. Ça n’est pas un souhait, mais supposons que…
Et comme on le voit les grands enjeux de l’heure, pour tout parti politique, c’est la mise en place de l’ANGE. Puisque c’est là que se jouent la bataille finale de la transition, si le parti à l’oriflamme guerrière se prenait pour un parti sérieux, il aurait fait de cette préoccupation la toile de fond de son congrès aux côtés du renouvellement du bureau exécutif. Mais passer en perte et profit pour investir un candidat déifié à cor et à cri dès l’abord, c’est visiblement faire preuve de cécité politique et nourrir les contestations contre la transition, et donc faire voler en éclat le consensus endiablé pour plusieurs raisons.
Or, en perspective des réactions très attendues du candidat désigné, il se raconte que l’objectif visé du MPS serait de préserver la cohésion du parti après la désignation visiblement controversée de Mahamat Zène Bada, d’une part, et couper court les inquiétudes liées au choix éventuel du parti politique par Mahamat Deby en vue de sa candidature ou encore son investiture comme candidat unique de la Coalition des partis politiques pour le OUI au référendum qui s’apprêterait pour le besoin de la cause.