La CONOREC, un mauvais départ pour la transition

Quatre mois après la fin du DNIS, le gouvernement de transition est sur la création de différents organes en charge de la mise en œuvre des résolutions et recommandations. De différentes commissions mises en place pour le suivi de la mise en œuvre, le dernier décret N°0085/PT/PMT/2023 du 25 janvier 2023, portant nomination des membres de la Commission nationale chargée de l’organisation du référendum constitutionnel (CONOREC), qui est le plus contesté. Composée des vingt-et-un membres uniquement des membres du gouvernement de transition et du Conseil national de transition, cette commission a fait voler en éclats la chance de succès de consensus.

Sur cette liste, au moins 15 membres sont des personnes encartées et/ou affiliées au Mouvement patriotique du salut (MPS), parti de feu Maréchal Idriss Deby Itno. Au lendemain de la publication de ce décret, la classe politique tchadienne est montée au créneau pour dénoncer ce que beaucoup d’acteurs politiques considèrent comme une intention affirmée de faire la main basse sur les deux référendums prévus, à savoir le référendum sur la forme de l’Etat et le référendum sur la Constitution de la République du Tchad.

Le 15 février 2023, le Premier ministre de transition, Saleh Kebzabo a rencontré, à N’Djaména, les Présidents et Secrétaires généraux des partis politiques au Palais du 15 Janvier. Selon la Direction de communication de la Primature « Cette rencontre fait suite à celle qui a eu lieu entre le Président de transition, le Général Mahamat Idriss Deby Itno et les responsables politiques au Palais Toumaï, le 27 janvier 2023 ».

Elle visait à mettre sur pied un nouveau cadre de dialogue politique. Une rencontre boycottée par une vingtaine de partis politiques.

Après la communication du Premier ministre de transition, quelques chefs des partis politiques ont pris la parole pour faire des propositions. Une commission composée de onze (11) personnes a été mise sur pied. Elle a quinze (15) jours pour déposer son rapport auprès du Ministre de l’Administration du Territoire et de la Bonne Gouvernance.

Ce n’est pas une élection avec des enjeux particuliers

Cependant, au sujet de la contestation qui fuse après le décret fixant création et composition de la CONOREC, Saleh Kebzabo a déclaré que « c’est un passage obligé ce référendum. Qu’il soit organisé par le gouvernement a surpris certaines personnes mais c’est tout à fait normal que le gouvernement gère cette élection parce que ce n’est pas une élection avec des enjeux particuliers. Il s’agit d’organiser un référendum pour la Constitution de notre pays. Nous allons faire ce travail en toute objectivité ».

Une déclaration battue en brèche par l’ancien Premier ministre, Pahimi Padacké Albert qui ne comprend. « Le Gouvernement veut nous faire croire maintenant qu’il se réserve, à lui seul, sans témoin, l’Organisation du référendum sur la forme de l’Etat, parce que ce référendum serait « sans enjeux particuliers « .

Alors, pourquoi organiser un référendum sur un sujet sans enjeux pour le peuple ? Le Gouvernement d’union nationale a-t-il pour mission de s’occuper des sujets sans enjeux? Le DNIS s’est-il trompé ou a-t-on trompé le peuple en renvoyant le choix de la forme de l’État au référendum?

En toute humilité, la forme de L’Etat est un enjeu national et reconnu comme tel par le DNIS. Le gouvernement doit laisser la CENI s’occuper de ce référendum ».

Une guéguerre née trop trop entre les deux grands chefs de partis politiques ayant de poids incontestable sur l’ensemble du territoire n’est pas un bon signe pour la suite de la transition, quand on sait que Pahimi Padacke Albert vient de conduire le gouvernement et exerce une influence dans l’arène politique.

Il convient de souligner que pour la plupart de cas, les différentes commissions sont dirigées et composées des membres du gouvernement, dont le Premier ministre en question. La commission spéciale chargée du suivi de la mise en œuvre des résolutions et recommandations du DNIS, par exemple, est pilotée par le Ministre d’Etat, Secrétaire général de la Présidence de la République.

En plus, plusieurs partis politiques non représentés au gouvernement et au Parlement provisoire sont en ordre de bataille pour tenter de faire échec au projet du gouvernement ou obtenir la modification du décret controversé. Le dernier en date du 10 février 2023, une coalition dénommée Fédération de l’opposition crédible (FOC) a été créée. Cette coalition est dirigée par l’opposant Yaya Dillo Betchi, élu coordonnateur. Cette coalition exige entre autres la reprise de tout processus de la transition de manière consensuelle, la dissolution du Conseil national de transition, le retour sans condition au Tchad du parti des Transformateurs, Succès MASRA, la mise en place d’une commission d’enquête internationale sérieuse sur les événements du 20 octobre 2022 par la communauté internationale.

Tout compte fait, les remous suscités à la suite du décret N°0085/PT/PMT/2023 du 25 janvier 2023 est un mauvais départ pour la transition déjà impactée négativement par la crispation politique née de la répression armée de la manifestation du 2O octobre regrettée tardivement par le Président de transition, alors que le climat politique est tendu en raison de cette situation.

Le gouvernement de la transition aurait pu privilégier davantage les concertations politiques en vue de l’organisation du référendum qui est un gage de réussite de prochaines élections générales. Mais en conservant l’entièreté de contrôle de l’organisation des échéances référendaires, cela va sans dire qu’il n’y aura plus de confiance entre les acteurs, ce qui est susceptibles de contestation des élections qui seront organisées.