Le schéma devant conduire au retour à l’ordre constitutionnel devient de plus en plus discordant. Même entre les parties prenantes du processus de transition. Tant, pour organiser des élections, il faut un cadre normatif, il faut des règles qui structurent et qui gèrent les élections. Mais aujourd’hui, veut-on organiser le référendum sur la base de quel document juridique crédible ? C’est la question beaucoup se posent. Puisqu’en cas de litiges, va-t-on se référer à quoi ? Même si les recours sont orientés vers la Cour suprême, il faudrait bien qu’il existe des règles qui encadrent l’organisation de ces échéances.
Les germes sont nombreux qui illustrent le fiasco de cette transition. Des partis comme #CDF (Convention pour la démocratie et le fédéralisme, entendent dorénavant de boycotter tout processus, si le gouvernement ne prenait pas en compte ses exigences pour plus de transparence. Le CDF emboîtent ainsi les pas du GCAP (groupe de 15 partis qui entend lancer un boycott spécial et une sensibilisation porte à porte pour mobilier es citoyens. Dans la foulée, le premier ministre, Saleh Kebzabo, annonce organiser un autre. Signe d’une confusion et d’un amateurisme galopants dans la conduite du processus.
Aujourd’hui, à force d’échanges avec les acteurs politiques opposés à ce processus actuel, les partenaires du Tchad ont enfin compris qu’il n’y a rien à la base de ce référendum pour lequel tout le monde accourt sens dessus dessous. Le 20 mars dernier, le groupe d’ambassadeurs de l’Union européenne et l’ambassadeur des USA, celui du Royaume uni et diplomate du CBLT ont rencontré le premier ministre aux fins de lui soulever cette préoccupation, d’après nos informations. C’est alors que le chef du gouvernement s’est réveillé au sortir de cette réunion pour mettre en place une commission pour toiletter le Code électoral. Il n’y avait jusqu’ici rien, car la Charte de transition a suspendu la Constitution du Tchad et a balayé par ricochet tous les textes émanant de l’Accord du 13 Août 2007 qui régissent le cadre électoral au Tchad par la loi électorale de 2008.
Un Code électoral scélérate
Bien que cette lacune puisse être comblée par des concertations entre acteurs politiques, il reste la question du fichier électoral en question. Un fichier totalement corrompu, que l’actuel premier ministre Saleh Kebzabo a combattu de toutes ses forces à la veille de la présidentielle de 2021. Aujourd’hui, plus qu’en 2021, il est impensable d’organiser des élections à partir de l’ancien fichier électoral qui est entièrement caduque. Et, c’est sans compter avec la carte électorale qui comporte tous les germes de litiges. Avec à la clef « un Code électoral scélérate, que personne ne peut accepter », commente le juriste-économiste Max Kemkoye, Président de l’UDP et porte-parole du GCAP.
Le GCAP (groupe de concertation des acteurs politiques) qui est aujourd’hui, une équipe un peu solide, très cohérente, très respectée par les partenaires. Un groupe formé des trois composantes politiques : la première composante formé des six partis politiques n’ayant pas pris part au Dialogue national inclusif et souverain ; la deuxième composante formée des partis politiques ayant pris part au DNIS mais qui ont quitté la salle quelques jours après ; et la troisième composante que forment les partis politiques ayant pris part de bout en bout au DNIS, qui ne sont pas solidaires des résolutions dudit dialogue.
Aujourd’hui, six (mois) après la seconde phase de la transition, il s’observe que les partenaires techniques et financiers du Tchad ont effectivement compris que le gouvernement en place est incompétent, incapable de proposer une sortie adéquate de la crise politique, mais refuse malheureusement de s’ouvrir à tous et refuse de comprendre la logique des choses.
Conséquence : parce que l’ambassadeur allemand au Tchad exigeait la transparence et crédibilité et l’inclusion pour une fin rapide de la transition, les autorités du Tchad l’ont déclaré persona non grata. Ce qui a entraîné une crise diplomatique entre N’Djaména et Berlin. D’ailleurs le gouvernement allemand le dit bien « l’ambassadeur Kricke a exercé ses fonctions à N’Djaména de manière exemplaire et a milité pour les droits de l’homme et la transition rapide vers un gouvernement civil au Tchad ».
La brouille des parties prenantes
Le 4 avril, le parti du premier ministre (UNDR), chef du gouvernement, a accusé le Mouvement patriotique du salut du feu Maréchal d’avoir caporalisé la mise en place des bureaux de la CONOREC (Commission nationale d’organisation du référendum constitutionnel) « composés presque exclusivement de ses militants sans attitude de consensus entre acteurs de la transition ». Pourtant, cette commission est placée sous le contrôle du gouvernement.
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Le MPS qui réplique en affirmant être surpris de la sortie de l’UNDR et l’invite à « revoir sa copie au lieu d’accabler le MPS d’accusations aussi graves et que sans fondement ».
Des recadrages par voie des communiqués de presse qui surprennent l’opinion sur le type de liens qui unissent les partis politiques engagés dans la transition et pose le problème fondamental de leur appréhension de ce processus, engagé sans esprit d’inclusivité politique.
Pour le groupe de concertation des partis politiques, qui a fait un tableau sombre de la situation sociopolitique du pays lors d’une conférence de presse le jeudi 6 avril, c’est une « raison de plus qu’ils nous disent que le référendum est sans enjeu » avant de promettre que « GCAP et nos compatriotes de l’extérieur, avec l’appui des vraies puissances amies sommes déterminées à y mettre fin » pour éviter que « le Tchad ne soit un autre terrain d‘influence afin des satisfaire les besoins de puissance de certains pays », pointent les conférenciers.
Il faut sauver le processus
Si certains citoyens lambda ne s’imaginent pas comment le processus de transition avance et comment prendrait fin cette transition plus que jamais désaccordée, les observateurs avertis, les acteurs politiques et les partenaires du Tchad sont désormais conscients que plus rien n’autorise d’espérer en une fin de ce processus, pour autant parler d’une fin heureuse du processus. Le voyage quasi-régulier des chefs et diplomates de grandes institutions internationales au Tchad témoignent de cette volatilité du Tchad qui se trouve au bord d’un séisme politique.
Face à cet imbroglio politico-administratif en cours, il est du devoir de toutes les institutions qui se sont invitées au chevet du Tchad de réfléchir à faire envisager un mécanisme politique afin de sauver le processus en cours et restaurer la confiance entre les dirigeants et le peuple, et d’arriver à un résultat conclusif, un apaisement et éviter l’éclatement probable.
Depuis la mise en place du gouvernement actuel, les différents acteurs opposés au processus ont toujours clamé le gel dudit processus et un autre dialogue afin de dessiner un schéma de la transition. Une reprise de dialogue serait « redondante », selon un diplomate de l’Union européenne. D’après nos sources diplomatiques, le Tchad est arrivé à un statuquo. Il faut donc inventer une sortie de ce blocage.
Si un pareil scénario n’est pas mis en place, il va de soi que le processus est en péril. Et il faut davantage, en tout cas, le sauver pour sortir avec des élections réussies afin de sortir de cette instabilité pour retrouver un chemin d’apprentissage de démocratie cohérente.