Selon les données de l’Institut national de la statistique, des études économiques et démographiques (INSEED 2014), dont les informations ne sont pas actualisées « le taux de chômage a diminué de 11,9% en 2003 à 5,7% en 2011 ». C’est un fait. Mais au fond, cette diminution cache une faible rémunération des travailleurs et la tendance de désengagement – les 20 dernières années – des jeunes du secteur agricole et du développement rural. Mais la situation de la population rurale est tout autre chose. L’une des raisons toutes faites, c’est la mauvaise conception des programmes et l’absence du secteur privé dans la conception des politiques agricoles. La réalité est plus alarmante !
Au Tchad, les actifs exercent essentiellement dans le secteur primaire, qui représentait 95% de la population active avant l’exploitation du pétrole en 2003. Ce secteur demeure toujours le principal pourvoyeur d’emplois avec 75% des actifs en 2009 et 74% en 2011, dont jusqu’à nos jours, les femmes représentent plus de la moitié. Le secteur secondaire, qui représente toujours moins de 20% des emplois, est peu dense et peu diversifié.
Le commerce et le transport, largement informels tout comme l’artisanat, représentent la moitié de la valeur ajoutée du secteur tertiaire. Le mal vient du fait que celui-ci est alimenté d’une part par un exode rural massif des jeunes à la recherche du travail et d’autre part des effets de l’ajustement structurel qui a amené l’Etat à ne plus être le principal pourvoyeur d’emplois. A ses débuts, l’ajustement structurel était vu comme un remède pour valoriser les activités rurales. Malheureusement, très vite, les populations rurales sont oubliées.
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En vue de promouvoir la politique d’emplois, les pouvoirs publics ont préféré mettre en place plusieurs dispositifs de l’Etat, tels que l’Office national de promotion de l’emploi (ONAPE), le Fonds national d’appui à la formation professionnelle (FONAP) et le Fond national d’appui à la jeunesse (FONAJ) ainsi que la Direction de l’enseignement agricole, des formations et de promotion rurale (DEAFPDR) du Ministère de l’Agriculture.
Des instruments déphasés
Ces institutions ont toutes pour vocation la promotion de la formation professionnelle et de l’emploi. Cependant, si les trois premiers organismes bénéficient de faramineux publics, sans pour autant engager des résultats escomptés, la DEAFPDR est restée l’ombre d’elle-même.
D’ailleurs dans leur exercice, les champs d’intervention des trois premiers secteurs sont identiques, à bien des égards, créant ainsi une un double emploi. Mais au lieu de s’arrêter à cela, ils favorisent encore une forme de concurrence concernant les ressources et champs d’action. Difficile de déterminer leur impact réel sur les populations paysannes.
La plus grande erreur dans ce cas de figure, c’est le fait que les acteurs du secteur privé et des regroupements des producteurs ne sont pas associés à ces différentes initiatives de stratégies. Les programmes de formation sont souvent en inadéquation avec les besoins réels des producteurs. En plus, ces acteurs ne bénéficient pas des appuis tout court de l’Etat. Ce sont d’autres personnes tapies dans les milieux urbains qui s’accaparent de tout financement. Le désengagement des jeunes du secteur agricole et du développement rural doit interpeller les pouvoirs publics afin d’éviter une situation qui aille du mal en pis.
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Les plans de développement sectoriels de l’agriculture (PQDAT 2013-2018), qui donnait une orientation aux investissements dans ces domaines en mettant en avant la nécessité d’améliorer la productivité et l’inclusion du monde rural dans le développement, a échoué du fait de n’avoir pas mis spécifiquement l’accent sur les catégories les plus vulnérables et la nécessité de faire face aux chocs affectant la production et la sécurité alimentaire des populations rurales.
Le PNISR (2014-2020), qui s’inscrivait dans la dynamique du PDDAA promu par le NEPAD sous l’égide de l’Union Africaine, correspond pourtant au volet Développement rural du PND et donne une place importante au développement agricole pour la sécurité alimentaire et la nutrition. Il mentionne explicitement la nécessité de répondre aux besoins spécifiques des plus vulnérables. Cependant, à défaut d’une organisation des acteurs ruraux, bénéficiaires de ces programmes, l’impact n’est pas perceptible.
Les mêmes erreurs qui se reproduisent
Conséquence de ces mauvaises politiques, même le Programme national de la sécurité alimentaire (PNSA) mis en œuvre avec un objectif clairement en lien avec l’amélioration de la résilience des populations rurales les plus fragiles, n’a pas réussi à articuler ses actions avec les risques de crises et de chocs ni articuler l’assistance d’urgence aux interventions durables, dans le contexte tchadien marqué par la récurrence des sécheresses et d’autres facteurs. Ce sont les mêmes erreurs qui ont conduit à l’échec de nombreuses institutions à l’image du PNSA qui se reproduisent aujourd’hui.
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Face à ces réalités effarantes, il est plus que temps de repenser l’agriculture, en associant dans la conception des stratégies, des programmes de développement les acteurs ruraux et mettre au centre d’exécution pour espérer obtenir des résultats plausibles avec de nouveaux paradigmes. Dans ce sillage, l’épineuse problématique des conflits entre l’agriculture et l’élevage devrait être résolue, sans quoi la base de l’économie tchadienne s’effondrera pour longtemps.