Après la mise en œuvre de nombreuses politiques et nombreux projets agricoles au cours de 60 dernières, le secteur agricole tchadien demeure terne. En plus d’arguments liés aux caprices climatiques et le faible financement de l’Etat, l’une de grandes causes proviennent de l’absence du secteur privé dans la chaine de valeur agricole. Et ce facteur a ses causes bien visibles que l’Etat ignore ou manque de volonté pour le pallier.
Comme on peut le constater, au Tchad, l’État est d’abord un régulateur. Il a entrepris des reformes pour améliorer le climat des affaires selon plusieurs critères, sans séduire encore véritablement les investisseurs privés car, cette modernisation est timide et dans une économie nationale en phase de redémarrage. Également principal agent économique, la puissance publique viole régulièrement les clauses du contrat de fourniture avec les opérateurs nationaux notamment le non payement prolongé des factures. Devant une telle situation, comment convaincre les banques commerciales locales de réaliser des investissements agricoles, seules ou par prise de participation dans les partenariats public- privé?
Prenant en compte d’autres facteurs comme le manque d’énergie, de transport et des télécommunications, les investisseurs privés de l’espace CEMAC sont tout aussi découragés. Pour preuve, le Tchad est incapable aujourd’hui de réaliser un emprunt obligataire sur la bourse régionale de l’Afrique centrale. Une prouesse que réussissent régulièrement, le Cameroun et le Gabon.
En réalité, c’est un manque à gagner pour le Tchad de ne pas séduire le marché et saisir ce genre de moyen de financement durable, pour booster son secteur agricole. Malheureusement, cette absence d’attractivité reste encore plus prononcée du côté des investisseurs étrangers. Or, le pays a un fort potentiel dans tous les domaines et celui de l’agriculture. En parallèle, le gouvernement de transition essaie de faire une certaine promotion économique par la création des zones économiques spéciales. Pas assez pour une séduction en masse des entreprises surtout celles qui sont nouvelles et qui n’ont pas encore atteint leur maturité.
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D’ailleurs, la communication autour de cette zone a connu trop tôt un fiasco, laissant une mauvaise perception des populations vis-à-vis de cette politique comprise comme accaparement de terres. Seuls les investisseurs qui cherchent à se diversifier et optimiser leurs excédents de ressources peuvent accepter un risque aussi élevé dans le cas du Tchad.
La méfiance du secteur privé
L’insécurité chronique dans laquelle se trouve le Tchad décourage suffisamment les investisseurs. Ce dernier mois, l’on apprend même que toute une banque a été cambriolée dans la ville de Sarh, chef-lieu de la province du Moyen Chari. Les cambrioleurs se sont même évaporés dans la nature. Une situation austère à toute envie d’investir au Tchad. On apprend à tout moment qu’un s’est fait tirer dans la tête après avoir retiré de l’argent dans une banque ou encore qu’un tel opérateur économique s’est fait abattre devant sa concession. Et tout cela sans suite judiciaire et le cycle continue.
En plus de cela, le climat d’affaires au Tchad est marqué par des pratiques qui mettent tout simplement tout investisseur en difficulté qui qu’il soit. La règle de compétitivité et de concurrence étant totalement absente. Beaucoup d’investisseurs qui ont essayé ont connu un même sort : ils ont tous échoué.
Même les plus courageux qui continuent à investir dans divers domaines sont méfiants du fait de la peur de l’instabilité qui résonne presque tous les jours. Conséquence, ces entreprises qui opèrent au Tchad transfèrent presque systématiquement leur fonds dans d’autres pays ou investissent leurs revenus ailleurs, sans pour autant songer à étendre leurs activités ou investir à fond dessus. C’est l’une des causes de mauvaises qualités de prestation de beaucoup de multinationales. Les hommes d’affaires tchadiens, eux-mêmes, après avoir engrangé des colossaux moyens, fuient le Tchad pour investir majoritairement dans d’autres pays comme au Cameroun, au Niger, en Côte d’Ivoire, pour ne citer que ces pays.
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Dans ces conditions, on ne peut s’étonner de voir échouer toutes les politiques agricoles entreprises au Tchad. Car il n’y a personne pour accompagner cela par des investissements. C’est pourquoi, aujourd’hui, au lieu de continuer à multiplier des politiques et programmes agricoles, l’Etat tchadien doit s’investir à favoriser un climat propice à différents niveaux pour inciter les investisseurs étrangers et locaux à s’intéresser au Tchad, alors que les potentialités naturelles sont importantes pour faire décoller l’économie nationale.