Dans son message à ses militants et sympathisants, dans la soirée du dimanche 15 octobre, où il annonçait « différer la date de son retour jusqu’à début novembre prochain », le président du parti Les Transformateurs, Dr Succès Masra, a, en même temps, laissé entendre ses intentions. « Il y a un temps pour faire la guerre et un temps pour faire la paix […]. Il y a un temps pour défendre fermement ses convictions et un temps pour faire le compromis au nom du peuple, en reconnaissant qu’on n’a pas tous les temps raison, sur tout ! Or, si on a raison tous les temps sur tout, alors on devient devin […] », a-t-il argumenté à ses militants. A ce stade, l’on se demande s’il entend donner raison « aux frères égarés », comme il a l’habitude de les titiller. Mais toujours est-il que le tour n’est pas encore joué.
Il est vrai, si Dr Succès Masra a toujours prôné la réconciliation et Intercédé en faveur de l’inclusivité de la transition, il a été toujours tranché sur la question de respect des principes démocratiques, émanant de la Charte de l’Union africaine. Aujourd’hui, il semble ne pas être exigeant là-dessus. Mais ça n’est pas le tout ! Il n’exclut visiblement pas de renoncer à la défense de ces principes.
Cette sorte de revirement ou plutôt qu’un profil bas se dégage lorsque le leader Transformateur lâche en ces termes « Quelque part, mes chers compatriotes, nous devons dire que le moment de bienveillance est là. Et s’il y a une fenêtre d’opportunités, laissons les fenêtres d’opportunités nous aider à bâtir, dans la justice et l’égalité, le Tchad qui deviendra un toit pour chaque Tchadien et pour chaque Tchadienne ». C’est déjà trop dit.
A lire aussi: Le duo Mahamat – Masra : de l’enfantillage agaçant à la mesquinerie
Comme pour emprunter le même narratif que les autres politiciens qui l’ont précédé en arguant « changer les choses de l’intérieur », Dr Succès Masra dévoile ce désir « La transition actuelle, qui souffre déjà de manière visible de manque d’inclusivité, a besoin de toutes les intelligences et de toutes les énergies pour la redresser et la rendre acceptable par tous à travers un processus pour la rendre plus inclusive, plus juste et plus puissante que toutes les armes réunies ». Cela n’est pas nouveau. La transition souffrait dès ses débuts de ces manquements.
Rendre la transition, non pas consensuelle et commode, mais inclusive était l’épine dorsale. Il a certes toujours voulu une transition inclusive mais dans le respect des principes qui gouvernent la démocratie. Aujourd’hui, même si ces principes manquent à l’appel, il envisage quand saisir les fenêtres d’opportunités ouvertes afin de bâtir quelque chose « avec toutes les intelligences et les énergies de tous pour la redresser ». A la réalité, dans ces dires, dans le fond, il rejoint ces nombreux chefs de partis politiques qui ont regagné armes et bagages à la main, ce second régime du MPS.
lire aussi: Mandat d’arrêt contre Succès Masra : la logique a manqué
Même si au début de sa vidéo Succès Masra avait dit que c’est « après consultation et prise en compte des éléments nouveaux portés à notre connaissance, j’ai décidé de donner la chance aux démarches de possible réconciliation dans la justice et l’égalité d’aboutir en différant notre retour au Tchad au début du mois de novembre 2023 pour éviter tout risque sur les populations qui s’apprêtaient à sortir pour nous accueillir », il apparaît quand-même un manque de cohérence entre le possible « affrontement » à son retour du 18 octobre qu’il a avancé et cette fuite de l’information d’après laquelle « nous devons dire que le moment de bienveillance est là ».
L’expression « nous devons dire » marque une certitude quant à ce que le temps a sonné, il est opportun d’accepter « les fenêtres d’opportunités pour nous aider… ». Pourrait-il s’agir d’un désir ou d’un pragmatisme dicté par la force des choses ou par des facilitateurs/médiateurs ou tout simplement les partenaires du Tchad ?
De même que dans la forme, le ton de Succès Masra à travers cette vidéo s’est rendu assez conciliant en contradiction avec les arrestations que le pouvoir en place a opéré à ses militants arrêtés et également l’état de siège imposé au domicile de son vice-président. Ce qui est nouveau est qu’il appelle « nos frères dirigeants de la transition » est preuve de cette désormais bienveillance. Fini bientôt l’audace. Fini bientôt l’exigence. Fini l’appellation accompagnateurs et accompagnateurs chevronnés. Fini l’appellation frères égarés. Fini la rupture. Fini le bouclier, etc. C’est donc une attitude de réconciliation qui est à l’ordre du jour.
Apparaîtront-ils bientôt l’heure et le soleil de la bienveillance ? Et pour confirmer cette volonté manifeste, Succès Masra a convoqué les champs de l’artiste d’Ahmed Pecos qui s’écriait « l’enfant du Tchad, tu as trop souffert ! » mais aussi de Talino Manou qui a prêché « un adversaire politique n’est pas un ennemi. Non, non, non !». Voilà pourquoi le compromis s’invite désormais.
Reste donc à espérer que les rings dans le 7ème arrondissement et au-delà presque qu’au quotidien devienne bientôt un souvenir. Reste à savoir aussi la suite à donner à ce mouvement de colères qui lui apporte le soutien inattendu ces derniers jours.
Après tout, étant un part politique, les Transformateurs à travers leurs leaders sont libres de prendre des décisions en fonction des éléments d’informations dont ils disposent. Parce qu’après tout, ils sont exposés à longueur de temps à toute sorte de pressions. C’est à raison que leur leader peut décider de mettre du bémol dans sa trajectoire. Tout de même, tout en respectant son intelligence et intelligibilité à opérer tout cela, il ne faut pas toutefois se garder de craindre que le compromis dans lequel il est sur le point d’engager son parti peut éventuellement devenir compromission. Car, c’est ainsi que le Tchad a habitué les Tchadiens. Succès Masra doit donc « marcher sur les œufs sans les casser », pour reprendre quelqu’un. Et les Transformateurs le savent. D’ailleurs, en octobre 2022, Succès Masra a semblé changé de cap en dévoilant la théorie de « quand on veut s’arrêter à droite, il faut virer à gauche ». La suite, on la connaît.