Pour le moins qu’on dise, le processus de transition du Tchad évolue sur plusieurs voix et en plusieurs voies. Mais là que le blocage politique est profond, c’est sur l’organisation du référendum constitutionnel essentiellement sur le choix de la forme de l’Etat : l’Etat unitaire ou l’Etat fédéral. Le 23 mai 2023, au cours de l’examen de la loi spécifique sur l’organisation du référendum au Palais de la Démocratie, le conseiller national Béral Mbaïkoubou a dénoncé « l’hypocrisie politique », qui caractérise la préparation de ce référendum avant d’inviter le ministre de l’Administrati&on du territoire d’être sérieux, ne serait-ce qu’une seule fois.
Pourquoi ne sommes-nous pas capables de faire une seule chose qui soit transparente dans ce pays ? La question est posée par le conseiller national de transition, Béral Mbaïkoubou. En la matière, les querelles sur l’organisation du référendum sont désormais abyssales. Comme tout le monde peut le voir plus clair déjà, selon le conseiller national, Béral Mbaïkoubou « tout le monde a conscience que le référendum à venir constitue le pilier cardinal de ce que sera le Tchad au sortir de la période de la transition ». Ce nouveau Tchad qui fait dorénavant plus peur que jamais. Malheureusement. « La mise en place de la CONOREC, cette commission montre déjà que le verre de l’opacité est dans le fruit du Tchad refondé que nous escomptons au sortir de la transition », déduit le conseiller national.
Cette commission en charge de l’organisation de l’élection référendaire en question est composée des trente (30) membres, à savoir 15 conseillers nationaux et 15 membres du gouvernement. Depuis sa mission en place, la CONOREC est contestée par les acteurs politiques. Les partenaires techniques et financiers et les pays amis boudent cet organe dans tous ses démembrements. Beaucoup de partenaires refusent d’ailleurs d’accompagner financièrement ce processus à cause de l’opacité constatée.
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Or, devant ce qui tient lieu du parlement national ce mardi 23 mai, le ministre de l’Administration du territoire et de la Décentralisation, Limane Mahamat, prétendait justifier que cette commission est paritaire sur la base d’une représentativité par des corporations sociopolitiques. Le conseiller Béral Mbaïkoubou d’interroger le ministre en ces termes « de quelle sensibilité parlez-vous, lorsque tout le monde sait que la question fondamentale de prochaines consultations référendaires, c’est la forme de l’Etat ? » En réalité, les forces en face sont les fédéralistes et les unitaristes. « De ce postulat-là, il n’y a qu’une seule parité qui vaille : c’est la parité entre les défenseurs de l’Etat unitaire et ceux de l’Etat fédéral. Le seul équilibre qui mérite d’être défendu est celui-là », a rétorqué Béral Mbaïkoubou avec insistance.
A en croire l’argumentaire de l’intellectuel formé à la philosophie et morale politique, toutes les corporations qu’évoque Limane Mahamat, composées du monde des médias, le milieu artistique, des partis politiques, société civile, etc. ne constituent pas de sensibilité. « Dans ces corporations, les sensibilités politiques sont transversales et vous les trouvez partout ! », a tranché Béral Mbaïkoubou avant de s’étonner « Mais à qui veut-on faire croire que le fait de diversifier les corporations, on aurait un équilibre en termes de défense de ces deux formes d’Etat, à savoir l’Etat unitaire et l’Etat fédéral ? »
Détruisez-nous cette CONOREC !
Face à cette ‘’hypocrisie politique’’ galopante, Béral Mbaïkoubou est passé au moralisateur pour espérer persuader le tout-puissant ministre de l’Administration du territoire et de la Décentralisation que d’aucuns n’hésitent de qualifier du premier ministre bis « Monsieur, pour une fois, est-ce que nous pouvons profiter de cette transition pour être sérieux ? Et si nous mourrons, les gens retiendront que le sérieux est mortel, parce que les Tchadiens ont disparu de la carte du monde ». Ce n’est pas pourtant peu dire. Cependant, faut-il espérer un retour à un meilleur sentiment des autorités de la transition pour plus de consensus afin de tenter de sauver ce qui peut l’être de cette transition ?
De l’avis de Béral « si nous voulons aller vers quelque chose de franc, pour une fois ; quelque chose de véridique, il n’est pas tard ». Et la solution qu’il propose participe du gage de confiance : « détruisez-nous cette CONOREC et mettez en place une autre, qui tienne compte de ces deux sensibilités : fédéralistes et unitaristes ! Alors, nous commencerons à vous croire. Mais pour l’instant, cette CONOREC est un monument d’hypocrisie ». Ce ‘’monument d’hypocrisie’’ qui fait couler tant d’encre et de salive depuis le 25 janvier 2023 est devenu manifestement l’enjeu majeur de cette transition et fanatiquement une pomme de discorde.
Il est connu que depuis l’entame de la période de la transition, un bloc fédéraliste s’est mis en place avec beaucoup d’énergie et d’idées pour que la forme de l’Etat fédéral triomphe lors des assises nationales. Ce bloc fédéraliste, dirigé par l’ancien ministre Baniara Yoyona, qui a mobilisé plusieurs chefs des partis politiques, tels que Lydie Béassemda du PDI, Boguyanan Noubatessem de la CDF, Brice Mbaimon Guedmbaye du MPTR, etc., qui ont organisé plusieurs agoras pour démontrer leur approche politique constitue une force politique à ne pas piétiner.
De quoi s’angoisser
C’est ainsi qu’au moment du dialogue national inclusif et souverain, la salle a été divisée en deux sur cette question de la forme de l’Etat. Et c’est dans ce contexte, guidé évidemment par le désir du consensus et de la transparence, que les participants au DNIS avaient massivement proposé que ce sujet soit renvoyé au référendum afin que le peuple tranche par le vote. Curieusement, depuis la mise en place du gouvernement post dialogue, un passage en force sur l’organisation dudit référendum est observé, d’abord dans la composition de la commission, qui met à l’écart de la CONOREC le bloc fédéraliste dont les chantres sont connus de tous.
Et même les démembrements, c’est une arnaque pure et simple que le parti MPS du feu Maréchal a organisée. Ce qui a conduit d’ailleurs à une surenchère verbale entre l’UNDR du PM et le MPS.
Les deux actes ont suscité d’énormes réactions jusqu’à celles de l’ancien premier ministre, Pahimi Padacké Albert, connu pour sa retenue face aux querelles politiciennes. Cette crispation a laissé pantois les partenaires du Tchad qui sont déçus face à l’attitude du pouvoir en place.
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A la suite de l’ancien premier ministre, la Convention pour la démocratie et le fédéralisme (CDF) de Boguyanan Noubatessem Jonathan dit être désormais sur ses pas. Si ses revendications sur la recomposition de la CONOREC ne sont pas prises en compte, le parti va boycotter ce référendum. Le Groupe de concertation et d’actions des partis politiques (GCAP), de 15 partis coordonnés par Max Kemkoye, exige une reprise complète de la base de l’organisation de ce référendum et tout le processus de transition. La populaire Coordination des actions citoyennes Wakit Tamma est restée très loin de tout ce qui se déroule tandis que les 18 mouvements rebelles coalisés continuent à affuter leurs armes pour bondir certainement sur le pouvoir de Mahamat Kaka qui tend à recéler la liberté du peuple tchadien.
Face à cette situation opaque, comment peut-on faire confiance même quand certains tentent de berner la masse populaire prise en otage ? La réponse se trouve avec Béral pour qui, c’est « la sirène des amateurs politiques et autres charlatans intellectuels », qui occupent l’espace politique pour justifier le mensonge, qui conduire le Tchad vers ‘’enfer’’. Le pire semble à venir.