Présidentielle au Tchad : Que peut cacher la réforme du Code électoral ?

Alors que l’on tend vers l’élection présidentielle prévue pour les 05 et 06 mai 2024, avec la signature du Code de bonne conduite le samedi 6 avril, les conditions de son organisation laissent planer un doute sur sa véritable crédibilité. Les délégués de partis politiques dans les bureaux de vote, privés de procès-verbaux des résultats. Et les procès-verbaux ne seront pas affichés devant les bureaux de vote. Le nouveau code électoral est tout sauf, une reforme juridique progressiste.

 

Après la mise en place et la composition unilatérale de l’Agence nationale de gestion des élections (ANGE), les Conseillers Nationaux ont adopté un nouveau Code électoral à travers la loi 005, le 22 janvier 2024. Selon l’article 82 dudit Code, des procès-verbaux doivent être établis dans les bureaux selon le nombre des délégués des candidats. Ces derniers ont aussi le droit de les contresigner. Au contraire, le Code électoral passe sous silence leur droit à disposer d’un exemplaire du procès-verbal des résultats.

Entre la compilation et la proclamation des résultats, ils ne possèderont pas la preuve du score de leurs candidats et pour un éventuel contentieux électoral. En cas de contentieux, les délégués des partis politiques doivent s’en remettre à l’Agence nationale de gestion des élections, acquise au Président de la transition. « …En cas de contestation, tout candidat, parti politique, ou regroupement de partis politiques en compétition peut réclamer un exemplaire du procès-verbal auprès du démembrement de l’Agence Nationale de Gestion des Elections concerné. », dispose l’alinéa 2 de l’article 84 du nouveau Code électoral.

Un recul électoral de trop

Les Conseillers nationaux n’ont pas intégré dans le nouveau Code électoral, les dispositions relatives à l’affichage des résultats dans les bureaux de vote. C’est une longue tradition électorale et démocratique qui est ainsi retranchée de la nouvelle loi. A défaut, le législateur devrait permettre aux délégués des candidats de conserver une copie des procès-verbaux de résultats. Mais sur cet aspect, l’attente des Tchadiens aura été vaine.

C’est pourquoi, de l’avis de certains observateurs de la scène politique tchadienne, la double abrogation de l’affichage des résultats et de mise à disposition des procès-verbaux cacherait la volonté de la part de la coalition Tchad Uni de contrôler l’issue de l’élection présidentielle prochaine. C’est donc le signe d’une réforme démocratique « à reculons » et préjudiciable pour l’avenir politique.

L’inaction des candidats de l’opposition

Il ne fait aucun doute que la réforme du Code électoral dans le processus de la transition actuelle, vise à affaiblir davantage une opposition déjà mal organisée, face à un régime déterminé, à conserver le pouvoir d’Etat. Comme on pouvait s’y attendre, les partis de l’opposition, perdus dans des guéguerres habituelles, n’ont pas du tout réagi à la mesure de la situation. Ceux-ci n’ont pas déposé un recours devant la Cour Suprême « pour dénoncer le nouveau Code électoral et réclamer la prise en considération des clauses des transparences », regrette un juriste.

Les candidats de l’opposition retenus pour l’élection présidentielle, de leur côté, n’ont aucune stratégie électorale commune pour contrôler la transparence des résultats dans les quelques 22 000 bureaux de vote répartis à travers le territoire national et la diaspora. Attendront-ils que l’irréparable se réalise et engager une contestation dans la rue ? Ou alors faudrait-il y voir en cette réforme quelque chose de fortuit ? Ce sera alors vain, à la manière du médecin après la mort.

Dans une démocratie, la loi électorale est l’une des lois les plus importantes, après la Constitution. Elle doit consacrer davantage les droits électoraux, les valeurs et les principes comme la transparence, l’égalité et l’équité. C’est loin d’être le cas concernant le Tchad.