Touadéra : l’histoire d’un tombeur de l’Occident impérialiste

Lors d’un sommet des pays les moins avancés (PMA) sous l’égide de l’ONU à Doha, le chef de l’Etat centrafricain Faustin-Archange Touadéra a accusé les Occidentaux d’empêcher le développement de la Centrafrique. Les Occidentaux, disait-il,  alors qu’il s’agit fort bien d’un cas fort précis : la France. Récit des relations tumultueuses entre Paris et Bangui.

La Centrafrique de 2013 : une France destructrice

Huit années de conflit. La Centrafrique est plongée dans une crise sécuritaire qui implique différents acteurs depuis 2013. Le 13 janvier, les rebelles, constitués en coalition de six groupes armés, ont semé la terreur, en contestation de cette élection. Ils ont pris d’assaut la capitale Bangui, une première depuis 2013. A l’époque, une coalition de groupes armés à dominance musulmane, la Séléka, avait renversé le président François Bozizé.

Des affrontements entre Séléka et milices anti-balaka, majoritairement chrétiennes, avaient ensuite fait des milliers de morts, suscitant l’intervention française, avec l’opération Sangaris, qui a pris fin en octobre 2016. Sangaris une force qui, loin de servir d’instrument de paix, n’a été qu’une main visible à maintenir le flou dans la politique centrafricaine et faire du chantage à la République pour profiter de ses ressources. Ayant mobilisé près de 2.000 soldats, la France a eu un poids sale dans le jeu politique du pays. La force Sangaris a été mise en cause dans des scandales d’abus sexuels, tout comme des Casques bleus de nombreux contingents.

Une première transition inefficace

Après le déploiement de l’opération militaire française “Sangaris”, une solution politique aurait dû émerger mais le duo à la tête de l’exécutif s’est montré incapable d’en proposer une. Depuis l’accord politique de janvier 2013, Nicolas Tiangaye alors nommé Premier ministre et Michel Djotodia n’ont pas été capables de travailler de concert (Djotodia, qui dirigeait la Seleka, est devenu Président à la fin du mois de mars suite au coup d’Etat et à la fuite de François Bozizé).

Au cours de l’année 2013, ils n’ont pas réussi à mettre en place des structures administratives fonctionnelles. Après l’attaque de Bangui par les anti-balaka (« anti-machette » en Sango, une langue officielle centrafricaine) le 5 décembre, le gouvernement de transition a tout simplement cessé d’exister. Le Premier ministre a été menacé par les commandants de la Seleka et accusé de complot ; trois ministres considérés comme hostiles à la Seleka ont été disgraciés sans que les procédures légales n’aient été respectées ; et les combattants de la Seleka ont entamé une campagne de représailles sanglantes à Bangui qui, en quelques jours, a causé la mort d’au moins 1 000 personnes. Etant donné le chaos qui sévissait dans la capitale, le Premier ministre et le Président ont perdu toute légitimité aux yeux des habitants de Bangui et des acteurs internationaux.

Le sommet N’Djamena,  fatal pour Djotodia et Tiangaye

A N’Djamena, il a été décidé que le Conseil national de transition (CNT) avait deux semaines pour choisir un nouveau chef d’Etat de la transition. Les membres du CNT ont ainsi établi 17 critères d’admissibilité qui ont exclu de facto un grand nombre de candidats potentiels appartenant à la scène politique centrafricaine. A l’instar des membres du CNT, les chefs de partis politiques et les anciens ministres du gouvernement de transition ont été interdits de postuler.

Lundi 20 janvier, une majorité des membres du CNT a finalement élu Catherine Samba Panza, nouvelle présidente de la transition. La démission forcée du Président et du Premier ministre, ainsi que le processus de sélection de nouvelles autorités de la transition, illustre la mise sous tutelle de facto de la Centrafrique. Derrière tout ce tumulte, la France y est présente, activant une diplomatie incendiaire, profitant aussi de son droit de véto à l’ONU.

Aujourd’hui, Le président a raison de globaliser cet impérialisme sur les Occidentaux qui ont agi tous sous la coupe de la France qui voyait sa suprématie en perte de poids rapide en RCA très révoltée.

« La France n’abandonnera jamais la Centrafrique » : Le premier ministre français d’alors, Manuel Valls.

Le départ de la Force Sangaris en 2016 ne saura avoir été un ouf de soulagement pour le peuple centrafricain qui ne voyait rien de salutaire en elle. Si « nous n’avons pas vocation à demeurer présents ad vitam aeternam » et que la force onusienne de la Minusca « doit monter en puissance », il est « hors de question de laisser ce pays seul », a assuré le premier ministre français de l’époque Manuel Valls lors d’une interview accordée à France 24 et RFI. Une déclaration manquée de vision, car les Français croyaient pouvoir résister encore pour longtemps en RCA. Les choses vont tourner autrement

 Election de TOUADERA : « stabilité retrouvée »

Le 14 février 2016, Faustin-Archange Touadéra est élu à la tête du pays, après une transition chaotique sur fond de la même crise évoquée ci-dessus, dirigée par Cathérine Samba Panza.  

Mais déjà, faudrait-il connaitre l’homme. Faustin-Archange Touadéra est titulaire de deux doctorats en mathématiques obtenus en 1986 à l’université Lille-I et en 2004 à l’université de Yaoundé.

En 1987, il devient professeur assistant de mathématiques à l’université de Bangui et il est vice-doyen de la faculté des sciences de l’université de 1989 à 1992. Faustin-Archange Touadéra est nommé Premier ministre le 22 janvier 2012 par le président François Bozizé à la suite de la démission d’Élie Doté. Le 12 janvier 2013, il démissionne de ses fonctions, avant d’être remplacé le 17 janvier par Nicolas Tiangaye, qui constitue un cabinet d’union nationale le 3 février suivant.

À l’élection présidentielle de 2015-2016, il arrive deuxième du premier tour avec 19 % des voix, derrière son opposant, Anicet-Georges Dologuélé qui arrive en tête avec 23,7 %. Il est finalement élu président de la République à l’issue du deuxième tour, avec 62,7 % des suffrages contre 37,3 % à Anicet-Georges Dologuélé. (Données de la commission électorale).

Elu démocratiquement, Touadéra sera un espoir pour le peuple centrafricain qui voyait en l’homme, un nationaliste prêt à départir avec la France et signer des accords bilatéraux avec des partenaires sérieux et faibles tels que la Russie. Ainsi, il réaffirme son ouverture au monde extérieur en affirmant ceci sur la VOA Afrique : « Il est important que l’on continue de maintenir la République centrafricaine dans l’agenda de la communauté internationale, surtout sur les questions humanitaires. La Centrafrique doit rester à l’agenda de la communauté internationale »

Couper le pont net avec les occidentaux et la France en l’occurrence n’aura pas été suffisant pour jeter des fleurs à Touadera. La relance économique, le rétablissement de l’autorité de l’Etat, l’amélioration du bien-être de sa population et surtout un tapis rouge dressé à la Russie par l’entremisse de Wagner marquent un bon signe du règne du professeur. Aujourd’hui et plus que jamais, il a toutes les raisons de fustiger la politique ravageuse de la France pour deux raisons  principales :

Primo, la relation Franco-Africaine ne profite pas au bas peuple centrafricain depuis des décennies. Tous les indices de développement humain de tous les ans ont été déplorables vis-à-vis de la RCA. Un peuple résilient avec lui-même sans pourtant négliger la mise en musique d’une propagande de déstabilisation de la RCA  par le régime de d’Idriss Deby Itno, carburée par la France et face à laquelle la Centrafrique a fait preuve de bon voisinage et de la diplomatie ‘’ intelligente’’.

Secundo, la RCA, indépendante depuis 1960, est un Etat souverain. Il est libre de choisir avec qui coopérer et comment le faire. La France qui organise toutes les fois que cela est possible, une campagne de dénigrement de la présence russe en RCA, l’accusant de d’une puissance extractrice du diamant centrafricain, métal précieux pour lequel la Paris parie.  

Comme un canard déchainé, l’indomptable Touadera ne laisse aucune occasion qui lui est offerte pour justifier la position distante de le RCA face aux Occidentaux aussi bien dans les médias locaux qu’internationaux. Pour lui, le mal de son pays, c’est l’Occident. Le régime de Macron a tout orchestré pour salir sa réélection en 2021 sans pourtant comprendre l’attachement du peuple centrafricain à son leader.

On ne peut jamais manipuler une tête bien faite.  La colère de la France est double. D’abord une RCA qui l’a déclarée caduque et ensuite une RCA qui a servi d’exemple aux autres pays africains qui ont tendu la main à la Russie : Le Mali, le Burkina Faso, le Cameroun, ainsi que d’autres acteurs panafricanistes. Pour tout dire, ce n’est pas la faute de la RCA et des Africains. L’histoire est tout simplement têtue. La France politique doit apprendre à s’arrimer avec ce changement du fusil d’épaule.